Delanöe plus modeste qu'Hortefeux : 1 éloigné pour 2009 !
Saviez-vous que maintenant on dit éloignement et non plus expulsion ?
Le ministère de l'immigration et de l'identité nationale, en annonçant les chiffres aujourd'hui, lance aux media son bon mot et espère que ça prenne. Encore une fois, on est dans la vision manichéenne, le bien ou le mal. Conscients d'être perçus comme des affreux, ils nuancent leur discours... Qu'est-ce que ça veut dire éloignement, et pourquoi ne pas garder expulsion ?
Trop "coup de pied dans le cul", pas assez "terre d'asile" ? Eloigner, bizarrement, je trouve ça encore plus pervers. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais pour moi un fonctionnaire qui se rend complice d'éloignement est forcément pervers. Dans expulsion, on a l'idée de renvoyer de là où elle vient la personne demandeuse d'asile - quelles que soient les raisons. Avec "éloigner", on ne se concentre même plus sur les immigrés, on les évacue mais on ne sait même pas où : par ici la sortie ! Pourquoi ça nous intéresserait, d'ailleurs ?
Quand j'entends tel ou tel fonctionnaire ayant appelé tel ou tel service pour signaler tel ou tel cas d'immigration illégale, je ne peux pas m'empêcher de penser à une personne perverse, handicapée par une vision biaisée de son travail et voulant absolument créer de l'affect dans ses relations professionnelles.
On parle de froideur bureaucratique, d'engrenage kafkaesque, moi je vois plutôt dépendance émotionnelle, besoin de reconnaissance et d'exister, d'appartenance à une entité que l'on place au dessus de tout : L'identité nationale. C'est là le coup de génie de l'horreur administrative en marche depuis l'avènement de l'ère Sarkozy, c'est la mise en branle de tous ces dynamismes nauséabonds. Il aura fallu, dans le cas des expulsions, d'un terme bien dégueu, bien "infréquentable", pour que des gens l'acceptent comme vision utopique et se lancent dans la croisade.
Ministère de l'immigration et de l'identité nationale
L'immigration, c'est eux, l'identité nationale, c'est nous. Dressons un rampart entre eux et nous et boutons les autres hors de France. Plus d'expulsions = plus d'identité. Donc moins d'expulsions = aucune identité ? Comment un raisonnement aussi simpliste peut-il percer et se faire un chemin chez quelqu'un, quelles que soient ses références, son éducation, son ressenti ? Grâce à l'affect, justement ! L'horreur de ne pas exister, de ne pas être reconnu comme faisant partie de la nation, donne de la force à l'action d'expulser. Sarkozy a créé un lien direct entre lui et tous les complices des expulsions, et Hortefeux n'a rien à voir là-dedans...
Ce n'est ni Sarkozy, ni Hortefeux qu'il faut "combattre", ce sont les pulsions qu'ils déclenchent chez nous.
Et à propos de pulsions, j'en viens au titre de mon poste.
Delanöe veut "eloigner" l'humoriste Dieudonné de la capitale. Pour info, Dieudonné est propriétaire d'un théâtre dans le XI° arr. et il y fait ce qu'il veut. Ce qui n'est pas du goût de... tout le monde, justement. Mais plutôt que de se dire que tout le monde va arrêter d'aller voir ses spectacles (moi, par exemple, c'est ce que je fais), puisqu'il tient des meetings politiques et que ce n'est plus vraiment drôle (enfin si ça l'est encore mais ça ne vaut pas tous les moments où on aimerait se lever et partir), on aimerait l'éloigner pour que vraiment plus personne n'aille le voir et ne succombe aux pulsions qu'il veut déclencher chez nous.
Ou du moins c'est ce qui serait logique, non ? On a peur qu'il transforme son public black-blanc-beur en une cohorte d'électeurs du front national, n'est-ce pas ?
Et quelle serait l'alternative, à cette jeunesse ? Rejoindre SOS Racisme pour un jour rejoindre le PS ?
Encore et toujours le discours condescendant, on sait mieux que vous ce qu'il vous faut donc on va mettre des barrières pour que vous regardiez où il faut et quand il faut.
Le problème, c'est que quand on aura réglé le problème Dieudonné (car ils finiront par avoir sa peau, d'un manière ou d'une autre), il sera devenu un martyre et son public se radicalisera.
Mais ça, ça fait pas peur, puisqu'on est est en train de construire des prisons pour accueillir les fauteurs de troubles.
Fermons donc des théâtres et ouvrons donc des prisons, chapeau bas, messieurs-dames les politiciens !